A

A

de Patrick KERMANN

Objet nocturne numéro 

8
Installation plastique et sonore
30'
création 2000

Notes & textes 

“Regarde, regarde bien, il faut prendre des leçons d’abîmes.”

Jules VERNE
Voyage au centre de la terre

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A comme l’alphabet de A à Z

A comme Auschwitz de A à Z

Voici une boucle encore, pour ce texte en lisière du corpus théâtral.
Des ressassements pour travailler à penser l’impensé.
C’est là tout l’enjeu de A, sa seule raison d’être.

Patrick Kermann a écrit un court texte fracassant sur la Shoah. Ce texte troublant, écrit en anglais, traduit en français, fait intervenir les acteurs témoins de cet anéantissement, du dignitaire SS au pavé d’Auschwitz, au chien des camps en passant par les gaz meurtriers.

Ces textes, matériaux délicats, nous souhaitons dans l’essence crue de leur écriture les rendre visibles, tactiles, montrer l’effroi comme lieu de naissance, de co-naissance.

Joël FESEL,
plasticien

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Extrait

0
I shah be the dark plague / I have devastated the whole world / I am the one from whom none can escape
Je serai la peste brune / j’ai ravagé le monde entier / je suis celle à qui nul n’échappe
0'30

I am Albert Speer / I have built palaces for a new life / my work shall last a thousand years -
je suis Albert Speer / j’ai construit les palais d’une vie nouvelle / mon œuvre durera mille ans
1’

I was extracted from a Harz quarry / I am a cobblestone, on Oranienburgerstrabe / I shall break the windows of the synagogue
j’étais extrait d’une carrière du Han / je pave la Oranienburgerstrabe / je briserai les vitres de la synagogue

Patrick KERMANN
A

 

Générique 

Texte :
Patrick KERMANN
Non publié.

Distribution :
Installation plastique et sonore : Joël FESEL
Direction d’acteur : Solange OSWALD
Son : Tom A

Avec :
Sacha SAILLE

Production :
Groupe Merci

Soutiens :
DRAC Midi-Pyrénées,
Conseil régional Midi-Pyrénées,
Conseil général de la Haute-Garonne,
Ville de Toulouse.

Création en juillet 2000, à la Chartreuse de Villeneuve-lèz-Avignon, Festival officiel d’Avignon.

Parfums de presse 

« Les amis de Patrick Kermann ont voulu lui faire signe, cet été, à la Chartreuse, pendant le festival. Ils ont “ installé ”, comme ils disent, un texte de lui, très court, qu’il avait appelé A. Une suite de quarante phrases brèves, dix ou quinze mots, que Patrick Kermann imagine prononcées par des nazis, après les camps. Par exemple une voix d’homme nous dit qu’avant la guerre il arrachait des dents, et qu’aujourd’hui, de nouveau, il soigne des dents. Mengele, Goering, Eichmann, Hitler, leurs congénères, défilent ainsi, froids, calmes.

Dans la buanderie de la Chartreuse est placée, à un mètre de hauteur, une sorte de couronne de fer barbelés, d’une dizaine de mètres de circonférence. En apparence, le fer barbelé, qui entourait les camps : en fait, un enchevêtrement de fils électriques et de petites cupules métalliques qui évoquent des écouteurs, ou simplement des oreilles. Mais le barbelé saute aux yeux. De ces oreilles grises, cassées, sourdes, jaillit un tohu-bohu de voix, propos convenus, triviaux même : inconscience et égoïsme expriment leurs petits malheurs. Le concept muet de l’oubli des camps. Ce tintouin s’éloigne, s’efface. Apparaît un homme en noir, un acteur, c’est Sacha Saille, qui se penche sous le treillis d’oreilles sourdes, et se redresse. Tournant sur lui-même, lentement, il va prononcer, comme s’il s’adressait personnellement à chaque témoin, les phrases qu’avait écrites Patrick Kermann. C’est tout. C’est décent. C’est fraternel. C’est bien. »

Michel COURNOT
Le Monde, 20 juillet 2000