Joël Fesel, entre la matière et le son
« L’espace des arts de Colomiers abrite, jusqu’au 20 mai, d’étranges installations dont la sombre et massive silhouette se détache et tranche nettement sur le fond blanc des murs et du sol de la galerie.
C’est Joël Fesel, jeune plasticien vivant et travaillant à Toulouse, qui a ainsi investi les lieux pour une rencontre originale entre les arts plastiques et le théâtre, entre l’œuvre monochrome et la parole, entre la matière et le son. Car Joël Fesel a toujours présenté des œuvres “ parlantes ”, comme pour signifier haut et fort la prééminence du verbe. Un peu comme dans la tradition hindoue, pour qui “ le son est à l’origine de tout, le son est Dieu et tout être est son ”. Dans ses précédentes expositions, les textes et les sons émanant des œuvres étaient strictement incompréhensibles et ne valaient en fait que par leur mélodie.
À l’Espace des arts, l’œuvre a mûri, le verbe a pris sens et le soir du vernissage, des comédiens dirigées par Solange Oswald, du groupe toulousain Machine Arrière ont chuchoté ou déclamé des textes en passant juste leur tête à l’intérieur de chacune des sept installations, sorte de confessionnaux publics envahis par des spectateurs mi-voyeurs mi-confidents mais visiblement ravis par cette insolite rencontre à l’intérieur même de l’œuvre de l’artiste. Dans la caverne de Platon, les hommes en quête de vérité ne voyaient que leurs ombres.
Dans celles de Joël Fesel, ils trouvent dans la voix qui les interpelle des accents d’humanité, comme si la matière elle-même s’animait et prenait sens.
“ Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? ”. Au questionnaire du poète, Joël Fesel a répondu d’avance et sa démarche prouve que si Jankélévitch avait raison en affirmant “ la musique impose silence aux bruits car l’écouter exige d’abord de se taire ”, les arts plastiques sont bien différents puisqu’ils s’accommodent fort bien du parasitage des sons.
Trois autres interventions des comédiens sont prévues, les 22 et 25 avril, ainsi que le 14 mai. Le reste du temps, les magnétophones prendront la place des acteurs mais la rencontre avec le son sera bien respectée.
Joël Fesel, merci ! »
M.-H. M.
La Dépêche, le 8 avril 1998