« La colère est un drôle de truc dans les sociétés contemporaines, un truc embarrassant et vaguement archaïque dont elles ne savent plus vraiment quoi faire. Si les philosophes du passé se sont occupés d’elle comme s’il s’agissait d’une pierre de très grand prix, la colère se trouve aujourd’hui ravalée, dans le meilleur des cas, au rang du très banal “ pétage de plombs ”.

Est-ce de ce constat que sont partis les “ gens ” du Groupe Merci lorsqu’ils ont décidé de s’occuper, eux aussi, de la colère ? Qu’importe ! Voilà en tout cas ce collectif de comédiens, emmené par la metteuse en scène Solange Oswald et par le plasticien Joël Fesel, vaillamment au chevet de cette foutue colère, comme ils se tinrent il y a de cela plusieurs années, au chevet de la mort (…).

Et tous, donc, de se demander d’abord entre eux, avant même de songer à un spectacle, ce qu’ils avaient fait de leur colère, s’il leur en restait quelque part un bout quelconque, si la chose pouvait se partager, si elle avait une existence propre ou bien si elle avait disparu avec la modernité. Ils finirent par comprendre qu’en effet la colère ça ne va pas de soi, que bien souvent on l’enterre au fond d’un trou, comme s’il y avait de quoi en avoir honte ou en avoir peur… De tout cela et de bien d’autres choses, il reste un spectacle plastique et vigoureux que le Groupe Merci appelle Colère ! Objet nocturne n°18 (…). »

Daniel CONROD
Télérama, 19 juillet 2006