La lettre aux acteurs,
de Valère Novarina, remet au centre l’essentiel du rituel théâtral : l’aimantation entre l’acteur, dont le verbe s’est fait chair, et le spectateur.
“Entrez, Mesdames et Messieurs ! Venez voir le dernier des acteurs... En cette période de chaos relatif, avec sa chair frémissante, il incarne le verbe. Murmurant ou vociférant ses questions, il fomente sa révolte contre l’effacement de notre temps commun, contre le refoulement et l’oubli des catastrophes d’ici. Funambule, paillasse ou héraut de nos cérémonies, semblable à lui au fond des âges, de l’Inde à la Chine, en passant par la Grèce, IL JOUE. Ses questions incarnées sont un pari de l’esprit tenu pour le public. Ce sera à qui perd gagne... Entrez, Mesdames et Messieurs...”
Solange OSWALD
_
Extraits
« J’écris par les oreilles. Pour les acteurs pneumatiques.
Les points, dans les vieux manuscrits arabes, sont marqués par des soleils respiratoires... Respirez, poumonnez ! Poumonner, ça veut pas dire déplacer de l’air, gueuler, se gonfler, mais au contraire avoir une véritable économie respiratoire, user tout l’air qu’on prend, tout l’dépenser avant d’en r’prendre, aller au bout du souffle, jusqu’à la constriction de l’asphyxie finale du point, du point de la phrase, du point qu’on a au côté après la course. »
[...]
« Le spectateur vient voir l’acteur s’exécuter. Cette dépense inutile lui active la circulation des sangs, pénètre à neuf ses vieux circuits. Un spectacle n’est pas un bouquin, un tableau, un discours, mais une durée, une dure épreuve des sens : ça veut dire que ça dure, que ça fatigue, que c’est dur pour nos corps, tout ce boucan. Faut qu’ils en sortent, exténués, pris du fou rire inextinguible et épatant. »
Valère NOVARINA